Joël Devillet : les combats d'une vie.
«Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire» J. Jaurès
Le texte de la lettre qui sert de préface à l’ouvrage collectif offert à l’Archevêque émérite de Malines-Bruxelles par ses anciens étudiants pour ses 80 ans, « Montrer aux hommes le chemin qui mène au Christ »
Lettre de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
Cité du Vatican, 6 juillet 2018
Excellence,
Très cher Monseigneur,
Lorsque vous célébrerez votre quatre-vingtième anniversaire, je ne serai sans doute plus de ce monde. Voilà pourquoi je profite bien volontiers de la possibilité que m’offrent vos amis de vous écrire dès à présent quelques lignes, qui, dans deux ans, pourront vous exprimer mes voeux les plus cordiaux et, avant tout, ma gratitude pour ce que vous avez représenté pour moi et pour ce que vous avez fait et souffert pour l’Église de Dieu en ces temps troublés.
Ce doit être en 1983 environ que Mgr Jean Jérôme Hamer o.p., alors archevêque secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, attira mon attention sur votre ouvrage philosophique fondamental, « Pensées des hommes et foi en Jésus-Christ », que vous m’aviez aussi fait parvenir: dans l’état de confusion que traversait la philosophie de notre temps, cet ouvrage était devenu pour Mgr Hamer une véritable boussole, montrant comment le regard lumineux de la raison, quand il s’exerce avec toute la vigilance requise, peut nous faire découvrir, même dans le paysage philosophique actuel, le chemin qui mène au Dieu de Jésus-Christ et le chemin de Dieu vers nous. Lorsque bien plus tard, le pape Jean-Paul II m’eut chargé de préparer une encyclique sur la foi et la raison, sur « Fides et ratio », il m’apparut clairement que c’était à vous, en premier lieu, que je devais demander d’y collaborer Malheureusement, cette collaboration devait cesser avant d’avoir vraiment commencé, puisqu’en 1991 le Saint-Père décida de vous nommer évêque de Namur. Vous avez accueilli avec joie ce ministère de pasteur qui devait s’exercer dans une situation difficile, assumant cette fois auprès des gens simples le service que vous aviez rendu auparavant comme professeur: montrer aux hommes ce chemin de vie qu’est celui qui mène au Christ. Bien que vous soyez resté attaché, autant qu’il le fallait, à votre tâche d’enseignant, il était émouvant de voir à quel point les gens simples vous tenaient à cceur et comment ils ont accepté de se laisser conduire par vous.
Lorsque le cardinal Godfried Danneels se retira, en 2010, vous avez accepté, sans réticence aucune, de prendre sur vous la charge que représentait, en notre temps, le gouvernement de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles. Mais le Seigneur vous avait réservé un autre fardeau, plus lourd: porter l’archidiocèse de l’intérieur en souffrant pour l’Église et, à travers le renoncement à la fonction extérieure, travailler de l’intérieur pour l’Église de Belgique, selon la volonté du Seigneur, en offrant votre amour et votre souffrance. Pour ce renoncement et l’abnégation qu’il exige, je voudrais vous remercier de tout cœur
Puisse le Seigneur vous assister chaque jour dans ce service de guide et de chef que vous accomplissez intérieurement, de manière cachée.
C’est en ce sens que je vous adresse mes voeux les plus cordiaux en ce jour de votre quatre-vingtième anniversaire,
Bien Vôtre dans le Seigneur,
6 juillet 2018
La vie de Monseigneur Léonard en 160 pages et 410 photos
Un livre sur la vie de Mgr Léonard
Un ouvrage vient de paraître consacré à Monseigneur André Léonard …. Il est intitulé « A l’occasion des 80 ans de Monseigneur André Léonard, de Jambes à Savines-le-Lac ». L’initiative vient de Jacques Toussaint, président de l’asbl « Art Research Institute », un cabinet d’expertises indépendant en matière d’art et de patrimoine, basé à Jambes et né en 2017. … Ce livre comporte 160 pages et 410 photos, officielles et plus privées, qui retracent la vie de Monseigneur Léonard, de sa naissance à Jambes en passant par ses études à Namur, Louvain, Rome, son professorat à l’Université catholique de Louvain et ses charges épiscopales, jusqu’à son actuelle retraite active à Savines-le-Lac, en France. « Il n’y a pas de question d’éthique dans cet ouvrage. Il y a des petites légendes sous les photos mais sinon, c’est un texte continu. Il y a deux préfaces rédigées par les professeurs Francis Delpérée et Hervé Hasquin qui apportent leur témoignage sans concessions.” … La sélection des photos n’a pas été une mince affaire. « Elles proviennent essentiellement des archives de l’évêché de Namur, de l’archevêché de Malines-Bruxelles, et d’une série de personnes qui ont accepté de collaborer. Monseigneur Léonard n’a pas communiqué de photo, mais il a laissé carte blanche.”
Article complet 29 euros dans toutes bonnes librairies et chez l'auteur Jacques Toussaint cfr article de la Meuse pour les coordonnées.
BON ANNIVERSAIRE
Monseigneur Léonard, aujourd’hui, je me permets de vous souhaiter un bon anniversaire. Voici 75 ans, vous veniez, bébé, rejoindre une famille courageuse : un papa décédé, une maman aimante et des frères inséparables. La vie ne fut pas facile tous les jours, et pourtant le climat de l’amour familial se voulait une percée du soleil dans l’obscurité d’une époque.
Voici 75 ans, dans le petit André, tout était « donné » pour en faire l’homme, le prêtre et l’intellectuel que nous connaissons. La fratrie, les études et la prière ont été vos lieux d’épanouissement et de vérité. De tout votre vécu sont nées une spiritualité et une force de conviction qui se sont exprimées à travers tout ce que vous étiez : vos livres, vos contacts, votre enseignement, votre pastorat et plus tard votre épiscopat.
Le tout fut coloré par votre fougue et par votre énergie, mais aussi par votre humour bien namurois qui, depuis le pont de Jambes regarde couler la vie comme s’écoule la Meuse sous les arches. Le tout fut parfois mis en page avec une certaine maladresse, semblable à nos maladresses. Il est, cependant, tellement plus commode de s’arrêter à celle qui encombre l’œil de l’autre ! Vous ne laissiez personne indifférent !
Aujourd’hui, votre anniversaire coïncide avec votre départ à la retraite. Nous l’imaginons déjà studieuse et priante. Nous vous la souhaitons comme un havre de paix et de regard intérieur, baigné par la rencontre du Christ de la Croix, mais aussi Celui de la Résurrection. Qu’elle se vive dans la pourpre cardinalice ou sous l’humble habit du Serviteur, ce qui comptera aux yeux de Dieu c’est la tunique du cœur, colorée d’amour et de pardon. Elle sera, j’ose l’espérer, votre tenue de retraité. Votre épiscopat, s’il fut un moment important de votre vie, ne fut pas toujours le temps des rendez-vous réussis.
Souvent l’aventure du renard et du petit prince s’est transformée en des impossibles apprivoisements qui laissent des blessures dans votre cœur et dans ceux qui ont été déçus ou qui se sont sentis rejetés. Vous rêviez d’une certaine Église, toute inscrite dans la mouvance de Jean-Paul II. Vous la vouliez forte, armée de conviction et d’une morale infaillible. C’était sans compter sur la nécessité de petits pas plus soucieux de l’humain et d’une lenteur toute namuroise, plus au rythme de la mise en place de décisions conciliaires.
Vous rêviez d’une Église, « belle comme un fiancée parée pour son Époux ». Vous avez dû affronter, avec des moyens désuets et inadéquats, la pédophilie qui fut un véritable chancre dans votre ministère et dans l’actualité de notre Église. Au-delà des coupables, les doigts se pointaient sur vous. Vous deveniez le bouc-émissaire de l’impossible péché humain et de la soif de règlement de comptes d’une certaine société anticléricale.
Vous rêviez d’une Église conforme à une certaine tradition, au point d’en faire votre cheval de bataille ? C’était sans compter sur celles et sur ceux qui seront toujours un concile d’avance, même si pour cela il faut imposer d’autres tyrannies et d’autres exclusions. Oui, vous rêviez … et nous avons regardé, écouté, sans toujours comprendre. Parfois aussi, nous avons applaudi ! Vous « risquiez » des choix que nous avons combattus, parce que nous ne nous sentions plus respectés !
Vous osiez des défis et des processions nautiques, pendant que nous restions là sans comprendre ! Vous cherchiez des communautés nouvelles, vous osiez des ordinations qui nous laissaient perplexes ! Il y avait tout cela, mais il y avait aussi l’être secret que beaucoup ne semblaient pas connaître. Il y avait l’homme, le prêtre, l’évêque qui rentrait le soir dans l’obscurité de sa maison, seul et parfois abandonné. Un palais n’a jamais été votre demeure !
Il y avait l’homme, le cœur de père qui savait être là quand il le fallait, proche de l’épreuve d’un confrère ou proche de la souffrance. J’ai pu en faire l’expérience personnelle ! Vous n’aviez pas de chien à promener, mais un frère à consoler et à aimer ! Il y avait l’homme des « petites gens », celles et ceux qui ne semblent pas avoir d’histoire mais qui aimaient votre main tendue ou vos histoires dans le savoureux wallon que vous aimiez pratiquer ou encore vos petites chansonnettes, faites de bonne humeur et d’entrain.
Il y avait le Père, soucieux de l’avenir. Les vocations, le séminaire furent vos préoccupations et l’objet de toute votre attention. En vous écrivant ces quelques mots, je ne me ferai pas que des amis … mais si elle tient à cela, je m’en passerai bien.
Vous êtes un homme, un prêtre, un évêque … Vous êtes une autorité, un adversaire, une présence appréciée ou contestée … Vous êtes les larmes qui nous parlent du Cœur du Christ … Vous êtes une Parole semée au nom de l’Évangile … Vous êtes aujourd’hui, à 75 ans, celui qui peut regarder sa vie et dire : « J’ai tenté d’être un homme ». Merci et bonne route !
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Abbé Guy De Smet
curé de Flawinne 6 mai 2015