Joël Devillet : les combats d'une vie.
«Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire» J. Jaurès
GUTIERREZ,RICARDO; DELEPIERRE,FREDERIC
Mercredi 15 septembre 2010
Les faits J’ai été violé par un prêtre, tel est le titre d’un livre signé l’an dernier par Joël Devillet, un jeune homme de 37 ans originaire d’Aubange. Depuis le début des années 80, il était en contact avec les prêtres de sa région. En 1987, Gilbert H., un jeune vicaire de 27 ans, arrive à Aubange. Il séduit les enfants de la commune. « Il avait un baby-foot, une console de jeux, un grand lit, relate Joël. Il n’en fallait pas plus pour attirer les enfants. J’en faisais partie. Tout a commencé par des caresses. Puis c’est allé plus loin. Lorsqu’il avait joui, il me renvoyait chez moi. Je n’aimais pas ça et je lui ai écrit plusieurs lettres. Il me répondait. » Une correspondance qui allait servir de preuves à Joël des années plus tard.
Leur dénonciation « Dès 1990, j’ai écrit à l’évêque auxiliaire de Namur, Mgr Musty pour lui faire part des abus dont j’étais victime et pour lui demander à ce que le vicaire parte », se souvient Joël Devillet.
« Un an plus tard, poursuit la victime, en février 1991, j’ai écrit une lettre à Mgr Léonard qui allait devenir évêque de Namur. Je lui ai fait part de mon vécu. Deux mois plus tard, il venait à Aubange pour effectuer sa première sortie depuis sa nomination. Il y célébrait la confirmation des enfants. Il m’a dit avoir reçu ma lettre. Durant une demi-heure, nous avons discuté dans sa voiture. »
En 1994, Joël Devillet entre au séminaire. C’est lors de cette première année que, finalement, il parle de son vécu à son « directeur spirituel ». Une procédure devant le tribunal ecclésiastique à charge de l’abbé Gilbert H. est lancée. On invite aussi le jeune séminariste à suivre une thérapie en lui promettant de prendre en charge le coût de celle-ci en échange de son silence. « Cela n’a jamais été fait », affirme-t-il.
Devant le peu de réactions de l’Eglise, le 4 juillet 1996, Joël Devillet porte plainte au tribunal ecclésiastique de Namur pour dénoncer les abus dont il a été victime. « Une confrontation a eu lieu le 14 novembre 1996 en présence de mon psychologue, (qui soit dit en passant est devenu prêtre quelques années après), du prêtre abuseur et du vicaire judiciaire. Je ne sais ce qu’est devenue cette plainte, n’ayant jamais eu de nouvelles depuis (en 1996). »
La réaction de l’Eglise Lors de cette fameuse confrontation entre les deux hommes, en novembre 1996, « le vicaire a avoué les faits, soutient Joël. En présence de notre correspondance, il ne pouvait faire autrement. »
Aujourd’hui, plusieurs instances, dont le primat de Belgique Mgr Léonard, affirment que le prêtre Gilbert H. n’a plus de fonctions pastorales depuis 1996. Visiblement, c’est faux.
Certes, le 5 mars 2001, il a été contraint de mettre fin à sa mission canonique et de quitter sa paroisse de Flawinne. Mais, les statuts du conseil presbytéral de Namur indiquent que « sont électeurs tous les prêtres diocésains incardinés dans le diocèse ainsi que les prêtres résidant dans le diocèse, dont les noms figurent dans l’Annuaire diocésain de Namur, et y exerçant, à titre principal, une fonction pastorale pour le bien du diocèse. » (Art. 8,-§1) Plus loin, « Tous les électeurs sont éligibles, à l’exception des membres de droit et de ceux qui auraient renoncé expressément par avance à la charge de membre du Conseil presbytéral. » (Art. 8.-§2) Or, Gilbert H. est repris dans l’Annuaire diocésain dans la catégorie secteur socio-caritatif de la liste des prêtres éligibles pour les élections du Conseil presbytéral de 2009.
Pour Joël Devillet, « il est évident que ce prêtre est toujours protégé par ses supérieurs et son Eglise. Il a quitté son presbytère en 2008 suite à mes visites chez son doyen et auprès de son bourgmestre. Et peut-être, suite à une autre plainte déposée, en 2007, contre lui par une autre personne dont il a abusé. Actuellement, il travaille auprès d’adultes en très grandes difficultés… comme éducateur spécialisé. » En juillet, Joël a déposé une nouvelle plainte à Namur. Elle vient d’être transmise à Rome à la Congrégation pour la doctrine de la Foi. in Le Soir 2010